Allocution du Gouverneur de la BCEAO aux sixièmes rencontres entre le SGCB et les Directeurs Généraux des Etablissements de crédit et des compagnies financières
Messieurs les Vice-Gouverneurs de la BCEAO,
Monsieur le Secrétaire Général de la Commission Bancaire,
Madame la Présidente de la Fédération des Associations Professionnelles des Banques et Etablissements Financiers de l'UEMOA,
Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux des compagnies financières et des établissements de crédit de l’UMOA,
Chers Collaborateurs,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous saluer, vous souhaiter la bienvenue et me réjouir de votre participation massive à cette sixième édition de la rencontre annuelle entre le Superviseur et la profession bancaire.
Ce forum constitue le cadre idéal d’échanges sur les défis du secteur bancaire en permettant de mesurer les progrès accomplis par les différents acteurs, à savoir les établissements de crédit, le régulateur et l’Autorité de supervision.
Cette réunion est organisée pour la première fois en mode virtuel, en raison du contexte particulier de la crise sanitaire liée au coronavirus, qui sévit toujours.
Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux des établissements de crédit et des compagnies financières de l’UMOA,
Je voudrais commencer par remercier la communauté bancaire pour les nombreux messages de compassion adressés à la Banque Centrale suite à l'annonce du décès de notre regretté Charles Konan BANNY, ancien Gouverneur de la BCEAO, ancien Président de la Commission Bancaire de l’UMOA, arraché à notre affection le 10 septembre 2021.
Charles Konan BANNY aura été, pour ceux qui ne l'ont pas connu, un acteur important de la construction de notre union monétaire et de son système bancaire au titre de ses fonctions précitées.
Et bien que nous soyons réunis sous ce format virtuel, je vous invite à observer une minute de silence en hommage à Monsieur Charles Konan BANNY.
Je vous remercie.
Mesdames et Messieurs,
Le régulateur et le superviseur bancaire de l’UMOA se sont toujours inscrits dans une démarche d’amélioration continue et d’alignement des cadres réglementaires et de supervision de la zone avec les normes et les meilleures pratiques au plan international. En témoignent les réformes majeures entreprises depuis quelques années, notamment aux plans institutionnels, comptables et prudentiels.
C’est fort de cette démarche constructive que j’ai jugé bon de solliciter le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, afin que soit réalisée une évaluation du secteur financier de l’UMOA, dans le cadre d’un programme qui est déjà en cours d'exécution.
Il s'agit là d'un processus qui vise à identifier les forces, les facteurs de vulnérabilité et les pistes d’amélioration du fonctionnement du système bancaire et financier de l’Union, sur la base d’une analyse détaillée des composantes.
Ce programme permettra ainsi de connaître les mesures nécessaires à prendre pour instaurer un cadre institutionnel adéquat, une réglementation adaptée et enfin une supervision efficace dans un contexte international marqué par une fréquence plus rapprochée des crises financières.
Pour l’exécution de ce programme, je voudrais saluer la profession bancaire pour sa bienveillante collaboration avec la mission d'évaluation.
Mesdames et Messieurs,
Les économies de l’UMOA se relèvent progressivement de la pandémie à coronavirus. Après un ralentissement du taux de croissance économique, ressorti à 1,8% en 2020, il est escompté, pour l’année 2021, une croissance de 6,1%, à la faveur de la consolidation de la reprise de l’activité économique.
Cette embellie est consécutive à la bonne exécution des plans de relance au niveau des pays et aux mesures anticipatives prises en 2020 par la Banque Centrale et la Commission Bancaire de l’UMOA.
A ce titre, je voudrais rappeler que la Banque Centrale a continué à soutenir les efforts des États dans la mobilisation des ressources financières à des conditions plus souples, afin d'aider à amorcer la reprise économique. Ainsi, en 2021, les Etats membres ont structuré et émis des « Obligations de Relance », après accord de la BCEAO et en concertation avec UMOA-Titres.
Mieux, et en plus de l’admissibilité automatique des titres publics sur les guichets classiques de refinancement, la Banque Centrale a mis en place un guichet spécial de refinancement dénommé « Guichet de relance » où les banques pouvaient mobiliser des ressources pour une durée de six mois renouvelable au taux minimum de soumission de 2%.
Je voudrais profiter de cette tribune pour saluer la contribution du système bancaire aux actions de relance des économies et inviter vos différentes institutions à mieux se préparer à d’éventuelles autres crises, en développant une vision prospective de leurs risques et les moyens d’y faire face.
Madame la Présidente de la Fédération des APBEF,
J'ai pris connaissance des points de préoccupations que votre Fédération a bien voulu me transmettre, à l'issue de la réunion de son Conseil Fédéral du 30 juillet 2021.
La Banque Centrale apportera des réponses idoines à la profession bancaire dans le cadre de la présente rencontre et, si nécessaire, les discussions se poursuivront dans les différents cadres de concertation existant entre les Autorités de régulation et de contrôle et le système bancaire. C’est le lieu pour moi de rappeler que la Banque Centrale et la Commission Bancaire demeurent attentives à l’évolution de la situation.
Au besoin, des mesures supplémentaires seront prises pour limiter l’incidence négative de la pandémie COVID-19, tout en préservant la stabilité financière de la zone.
Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux,
Le contexte de crise, bien que relativement maîtrisé pour l’instant, invite à s’inscrire résolument dans le sens de l'amélioration de la gestion des risques du système bancaire, afin de préserver les acquis et la crédibilité de notre union monétaire, si durement obtenus.
Je souhaiterai dans un tel contexte évoquer trois risques importants qui s’accroissent dans le secteur bancaire de notre zone.
Le premier risque est celui relatif au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. En effet, à l’instar de toutes les régions du monde, nous demeurons confrontés à des risques d’utilisation des circuits financiers à des fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Bien que de multiples progrès aient été enregistrés dans le domaine de la lutte contre ces phénomènes nuisibles à nos économies, une vigilance accrue demeure nécessaire.
C’est dans cette optique que le Secrétariat Général a renforcé depuis janvier 2021 les contrôles en la matière, aussi bien dans le cadre des vérifications sur place qu’au titre de la surveillance permanente. Il ressort de ces contrôles de nombreuses insuffisances, dont les plus graves ont fait l’objet de sanctions disciplinaires et pécuniaires de la Commission Bancaire.
C’est aussi le moment d’en appeler à une plus forte implication des organes de gouvernance de vos établissements, afin que des moyens humains et matériels plus conséquents soient dédiés aux fonctions opérationnelles et de conformité.
L’objectif principal doit être d'honorer les exigences réglementaires et de nous mettre à l’abri de toute tentative d’utilisation du système financier à des fins de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.
Le deuxième risque a trait à la cybercriminalité. Dans un contexte de digitalisation et d’externalisation accrue. Les cybercriminels exploitent les failles sécuritaires des systèmes d’information pour accéder aux infrastructures et mettre en danger les fonds confiés par la clientèle.
Ces intrusions qui causent d’énormes préjudices financiers, peuvent attaquer le cœur même du fonctionnement des établissements et constituer un péril certain pour la stabilité financière.
Il importe donc de renforcer la résilience opérationnelle des établissements de crédit, en faisant en sorte que les processus et technologies implémentés puissent répondre aux exigences des meilleures pratiques et standards en matière de gestion des risques de sécurité informatique.
Des travaux sont en cours au niveau de la Banque Centrale et de la Commission Bancaire pour l’édiction d’un cadre réglementaire et l’amélioration de la supervision en termes de cybersécurité du secteur financier de l'UMOA.
Leur aboutissement permettra de préciser les attentes du superviseur en matière de cybersécurité, en complément des exigences de gestion du risque opérationnel figurant déjà dans une Circulaire de cette instance.
Le troisième risque est lié aux changements climatiques, qui constituent une autre source importante de choc exogène pour les économies de l'Union, au regard notamment des épisodes de plus en plus récurrents de sécheresse et d’inondations. Ces phénomènes ont pour conséquences des pertes importantes de revenus et de capital.
Consciente de cet enjeu, la BCEAO a rejoint en mars 2020 le Réseau des Banques Centrales et des Superviseurs pour le Verdissement du Système Financier.
Cette adhésion répond à l’objectif de partager les questions sur les risques climatiques spécifiques aux pays de l'Union et d’approfondir l’étude de leur impact sur le secteur financier sous-régional. J’en appelle donc à une meilleure prise de conscience des établissements de crédit pour intégrer ce risque dans leurs politiques d’appétence des risques.
Mesdames et Messieurs,
Dans un autre chapitre et en jetant un regard sur la mise en œuvre des réformes réglementaires engagées depuis 2016, les vérifications du Secrétariat Général de la Commission Bancaire concluent à une application trop partielle de ces dispositions, plus de 5 ans après leur adoption.
Les établissements de crédit devraient le plus rapidement possible intensifier la mise en œuvre de ces réformes réglementaires dans les volets comptables et prudentiels.
Ces diligences préalables sont d’autant plus nécessaires que la réglementation bâloise de la zone sera incessamment complétée par des textes d’application portant sur les normes de liquidité prévues dans le dispositif prudentiel.
Cette réglementation sera aussi enrichie avec de nouvelles directives en matière de simulation de crise, et des précisions sur les exigences de communication financière préconisées par le Pilier 3 du dispositif prudentiel.
Mesdames et Messieurs,
Tout comme lors des éditions précédentes, je voudrais terminer mon intervention en souhaitant que les échanges soient fructueux, ouverts et utiles afin qu’ils permettent une plus grande compréhension des attentes de l’Autorité de contrôle et des contraintes que vous rencontrez dans l’application de la réglementation.
En souhaitant plein succès à vos travaux, je déclare ouverte, la sixième rencontre entre le Secrétariat Général de la Commission Bancaire de l'UMOA et les Directeurs Généraux des établissements de crédit et des compagnies financières.
Je vous remercie de votre aimable attention.